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2 novembre 2012 5 02 /11 /novembre /2012 18:24

 

La Commission européenne s'apprête à exiger que les pays endettés et aidés -pour l'instant la Grèce et le Portugal- par l'Europe privatisent le secteur de l'eau. Ce principe, la commisison veut qu'il soit gravé dans le marbre des contrats liant les pays aidés à l'Europe, ent ant que condition aux versements. Comme la privatisation des années 90 a été un bide, les technocrates  reviennent à la charge. Et le lobbying des multinationales impliquées dans le commerce de l'eau 'nest pas étranger à cette décision débile.

 

Diverses associations ont demandé ça à Barroso de stopper cettte exigence qu'il juge "socialement et démocratiquement inadaptée". Mais Barroso ne veut rien entendre, semble-t-il, se retranchant derrière des "arguments idéologiques". Il est d 'ailleurs amusant de voir un vice président de la commission parler d'idéologie pour désigner la politique de l'indéboulonnable Barroso, un terme qu'on utilise sur ce blog depuis des années. De fait, cela fait aujourd'hui une trentaine d'années que la commission européenne fait tout pour enlever cette ressource aux citoyens.

Et de relever que la "vague de privatisation" de l'eau dans les années 90 a déjà beaucoup nui aux municpalités et aux consommateurs. Mais pour Barroso, cette  "a le potentiel d'accroître l'efficacité des entreprises et, par extension, la compétitivité des l'économie dans son ensemble, tout en attirant l'investissement étranger direct". Pourquoi cette réforme agirait ainsi, mystère. On se contente de nous resservir la messe habituelle, celle dont l'Europe ne se départit jamais.

De fait, la privatisation de l'eau, c'est-à-dire le transfert au privé de la distribution de l'eau, imposée dans les années 90, a été si désatreuse que nombre de municipalités sont revenues à une régie municipale. Et cela, à travers le monde entier. En 2004, le gouvernement néerlandais a adopté une loi interdisant la délégation du service public de l’eau au secteur privé et en 2010, la Cour constitutionnelle italienne a jugé que toute législation future tentant de privatiser les services publics serait inconstitutionnelle.

Idem en Allemagne: "L’Allemagne a été le premier pays à subir la loi d’un grand groupe, en l’occurrence Veolia. Les contrats ont été si bien négociés par les Français que les Allemands ont payé très cher cette privatisation pendant de nombreuses années. A la suite d’une vague de manifestations populaires de grande ampleur, la gestion de l’eau à Berlin est redevenue publique en 2010", explique un adepte de la privatisation. Au final: 84 millions d'euros dépensés chaque année, pour zéro service en plus, par les consommateurs de Berlin.

De fait, le privé a des tarifs 12% plus chers aujourd'hui (en moyenne), et 20 à 40% plus chers dans les années 90. Et c'est logique: " Le principe de la gestion publique est de fonctionner à l’équilibre, alors que l’essence même des contrats de délégation de service public est de générer une marge pour pouvoir financer les capitaux privés investis dans l’entreprise et rémunérer les actionnaires", remarque Jacques Tcheng, directeur général de la régie des eaux de Grenoble.

 

En France, on s'apprête à privatiser les barrages hydroélectriques pour répondre aux délires de la commission européenne (imposés depuis 2006),    d 'abord 20% des barrages, les plus gros, puis le reste suivra. Avec les conséquences logiques: comment sera géré le niveau de l'eau en cas de sécheresse, est-ce que les agriculteurs, les poissons, auront suffisement d'eau, même si l'entreprise privée qui gère le barrage doit rogner sur ses marges? 

Et l'entretien de ces barrages, qui va s'en charger? 

E-on, le géant allemand du secteur, lorgne déjà sur ce jackpot.

Pour ce qui est de la distribution de l'eau (puisqu'en France les sources sont déjà largement privatisées), le combat fait rage au niveau international. Ainsi, le Canada de son côté, l'Europe du sien, se reprochent mutuellement de ne pas vouloir privatiser leur eau. Car l'Europe est la tête de pont de Suez et Véolia, dont les excès ont marqué plusieurs pays, mais on va y revenir. 

De fait, bizarrement, partout dans le monde le constat de l'échec des politiques de privatisation de l'eau (augmentation des coûts, réduction de l'accès à l'eau, désastres environnementaux...) est flagrant, mais certains idéologues de l'ultra libéralisme continuent à faire appliquer des recettes catastrophiques. 

Ainsi, Mildred E. Warner, une universitaire qui a analysé les services de l'eau dans les pays riches et en développement, affirme que les donateurs et les prêteurs, comme la Banque mondiale, qui promeuvent la privatisation de la gestion des services de l'eau pour améliorer les services et l'efficacité, devraient revoir leur copie.

"L'expérience de la privatisation dans le monde, même dans les pays développés, ne s'est pas révélée très positive. Rien n'étaye la notion de réduction des coûts. La politique de la Banque mondiale concernant la privatisation de l'eau n'est pas judicieuse et je ne comprends pas pourquoi ils continuent d'insister alors qu'il existe des preuves évidentes de l'échec de cette politique", a expliqué Mme Warner qui enseigne la gestion urbaine et régionale à la Cornell University aux Etats-Unis.

 

SCANDALES


On parle d'eau, mais les entreprises privées gestionnaires de l'eau ressemblent davantage à des usines à gaz...

Argentine: En 1993, le gouvernement a privatisé le service de l’eau sous pression de la Banque Mondiale (BM), du FMI et des USA. On diait alors que les sociétés privées seraient mieux placées pour apporter des raccordements d’eau et d’eaux d’égout aux quartiers pauvres. La cession de la compagnie de l’eau faisait partie d’une mise aux enchères des actifs publics au profit des entreprises privées étrangères et argentines. Cette privatisation a été présentée comme le remède miracle qui sauverait le pays de la crise économique.

La société Aguas Argentina (consortium regroupant la Compagnie Générale des Eaux devenue Vivendi et la Lyonnaise des Eaux devenue Suez) a remporté la concession de 30 ans, sans payer un centime mais en promettant de réduire les prix et d'augmenter le service. Très vite, Aguas Argentinas est revenue sur ses promesses, et les prix ont grimpé pendant que les raccordements attendaient toujours (sur 9 millions de personnes vivant dans les banlieues et les bidonvilles autour de Buenos Aires en 1993, seulement 50% avaient été reliés aux services de l’eau, et 65% n’avaient pas de raccordements d’égout en 2002). Des émeutes très violentes ont eu lieu dans des quartiers où l'eau avait atteint des prix hallucinants.

Par contre, la clique proche de Carlos Menem, le président, ont trouvé chez Agua Argentina des postes très bien rémunérés. Par exemple, "Le ministre de l’environnement de Menem, Maria Julia Alsogaray, qui a attribué à Aguas Argentinas de nombreuses augmentations de tarifs et les concessions de contrat, est aujourd’hui poursuivie pour enrichissement illicite". Evidemment, les malversations et détournements d'argent par Aguas Argentinas ont été si importants que régulièrement, elle demandait de nouveaux prêts au gouvernement, engloutis dans de nouveaux pots-de-vins, pendant que le gouvernement accordait toutes les augmentations de tarifs voulues. En 2002 par exemple, le gouvernement a accordé une augmentation des prix de 10%.

 

Grenoble: après la condamnation du maire Alain Carignon à quatre ans de prison pour des magouilles avec la Lyonnaise des Eaux (devenue Suez) en 1996, la ville est revenue à une gestion publique. En fait, Carignon avait bénéficié de nombreux avantages en liquide et en nature de la part de la Lyonnaise des Eaux, mais aussi du groupe Merlin, qui voulaient mettre la main sur le marché de l'eau de Grenoble. Le retour d'ascenseur est vite arrivé: en 1989 Carignon délègue au privé la gestion de l'eau. Devinez qui remporte le marché? La société COGESE, filiale commune créée par les groupes Merlin et Lyonnaise des Eaux. Le hasard fait déciément bien les choses.

Quant au consommateur, il a vu les prix augmenter très rapidement. On a par exemple des factures rétroactives, permettant d'augmenter les prix après la livraison aux clients, et cela durant six ans, entre 1989 et 1995. 21 millions de francs auraient ainsi été volés aux usagers. En 1999, les citoyens parviennent à faire annuler le contrat de gestion de l'eau, et on revient à une régie publique. Les prix baissent (Grenoble affiche alors les prix de l'eau parmi les plus bas de France), le service s'amliore.

En 1997, une communauté de communes du Vaucluse vire la Lyonnaise des Eaux après 42 ans. Dans la foulée, les prix baissent de 25 à 33%. Puis les cas de villes revenant à la gestion publique se multiplient dans toute la France. 

 

Johannesbourg: la dérive totale. Des tarifs augmenté de 100, voir 150% après la privatisation, et un accès à l'eau réduit. La compagnie privée Sueza même installé des compteurs prépayés, ce qui a obligé en 2000 puis en 2008 des centaines d'habitants àconsommer une eau polluée dans les rivières,d’où une épidémie de choléra qui fit plus de 300 morts et 120.000 personnes contaminées. Là aussi, un mouvement de contestation s'est développé.

 

Bolivie: ce pays a connu la "guerra del agua", la guerre de l'eau en 2000. En 1999, la banque mondiale (qui suit le même dogmatisme ultra libéral que notre chère commission européenne non élue et anti démocratique) impose la privatisation de tout un tas de services publics, dont l'eau. Le dictateur ultra libéral Banzer octroie alors un monopole de 40 ans à la société Aguas del Tunari, filiale de la multinationale USBechtel. La corruption faisant rage, les dettes s'accumulent et immédiatement, les tarifs grimpent de 50% à 300%. Les émeutes qui s'en suivent mettent dehors le dictateur et Aguas del Tunari mais aujourd'hui les sociétés publiques sont souvent dans le rouge et perdent du terrain face aux compagnies privées. Mais, c'est bien l'Etat qui organise l'amélioration de la distibution. Bechtel a ensuite lancé des poursuites contre l'Etat,réclamant 50 millions de dollars à la Bolivie, mais a été déboutée.

 

Equateur: Là aussi, les contrats de gestion de l'eau mis en place en 2001 étaient complètement irréguliers. L'entreprise n'a pas rempli ses obligations tout en réclamant toujours des tarifs plus élevés. 

En Equateur, la privatisation a été rampante, alors qu'on disait qu'il fallait "moderniser" l'Etat, commençant par des mises en concession au début des années 2000. On a fait la Loi de modernisation de l'Etat, de privatisation et de prestation de services publics pour mettre en place lesdites concessions. Ce sont ensuite des cabinets comme Pricewaterhousecoopers ou JVP consultants qui organisent le processus. Très vite, unmouvement d'opposition se constitue. Dans ses rangs, de nombreuses communautés indiennes spoliées de leur eau, et des habitants des quartiers pauvres. 

 

Pourquoi un tel acharnement?


Au vu de tous ces éléments, on peut se demander pourquoi la commission s'entête à vouloir privatiser notre eau. La réponse est simple: lobbying. Ou quand un groupe de multinationales impose ses intérêts aux crânes d'oeuf bruxellois corrompus. 

Le mensuel US "Fortune" titrait récemment que "l’eau représente une des meilleures opportunités d’affaires et promet d’être au 21e siècle ce qu’était le pétrole au 20e : le bien précieux déterminant la richesse des nations". De son côté, "Bloomberg Businessweek" citait une étude des analystes de Citigroup selon laquelle, dans un futur proche, l’eau serait considérée comme un actif et les valeurs liées à l’eau seraient largement échangées sur le marché des transactions financières.

L'eau va devenir comme le pétrole: un produit hautement spéculatif. Comme pour le pétrole, une cargaison sera revendue 10 oU 20 fois entre son point de départ et son port d'arrivée. Et les spéculateurs se lèchent les babines. Au final, sans surprise, le coût de l'eau va grimper en flèche, comme le blé en 2008, comme le pétrole, le gaz, les minerais... Selon Bloomberg, "le taux de retour sur investissement pour les actionnaires des entreprises de l’eau entre 2033 et 2007 sera de 35% devant les entreprises pétrolières avec  +29%".

Les fonds spéculatifs sont déjà sur les rangs, comme le Calvert Global Water Fund, dont 30 % de ses actifs sont placés dans les services de distribution, 40 % dans les sociétés d’infrastructure et 30 % dans les sociétés liées aux technologies.

Alors forcéemnt, les multinationales mettent le paquet pour ne pas passer à côté du grisbi, que les peuples aimeraient conserver. D'après le Corporate Europe Observatory, "Veolia est impliquée dans des activités de lobbying rassemblant au moins sept lobbies spécialisés dans le secteur de l’eau, onze lobbies d’affaire, cinq think-tanks et diverses autres entités publiques ou privées relayant directement ou indirectement les intérêts de Veolia". Un des arguments massue de Véolia est de se plaindre de "discrimination" entre le public et le privé, un autre est de réclamer plus "d'efficience" dans la gestion de l'eau. Comprenne qui pourra. En tout cas, véolia travaille avec une véritable nébuleuse de lobbies, chacun ayant un angle d'attaque bien particulierenvers les institutions,surtout européennes. Véolia a par exemple créé l'Institut Veolia Environnement, qui publie des rapports "scientifiques" favorables à la multinationale. 

Le responsable de Véolia pour les relations avec les institutions européennes est un ancien député européen,Stéphane Buffetaut. Qui est d'ailleurs toujours présent au Conseil économique et social, qui fait la part belle aux gros lobbies.


En juillet, c'est Suez qui a été dans le collimateur: un élu de l'Essonne a eu le malheur d'évoquer la création d'une régie publique. Cela a énervé Suez, qui a contacté un cabinet de lobbying, Vae Solis, afin de discréditer l'élu trop téméraire.  La presse locale et nationale devaît être appelée en renfort pour mieux propager l'intox. Mais, c'est bien là son boulot, d'une manière générale, et un faux blog citoyen d'opposition devait également être monté pour l'opération. Et l'élu local censé piloter le système n'était autre qu'un élu PS, Antoine Boulay, qui était alors directeur général de Vae Solis, et se retrouve aujourd'hui chef de cabinet du ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll ! Cette désinformation passe aussi par la censure: Véolia a ainsi poursuivi les auteurs du documentaire Water Make Money pour diffamation (= atteinte à l'honneur).

On comprend que les multinationales attaquent sur TOUS les fronts, du local jusqu'au niveau européen, bien plus facile à manipuler. Pour mieux mener ce lobbying, Suez et Véolia ont créé "The International Federation of Private Water Operators" (AquaFed), basée à Bruxelles, qui représenterait plus de 200 entreprises dans 38 pays. Le but d'Aquafed est de mettre en relations les institutions et les entreprises du secteur de l'eau. Mais, AquaFed publie beaucoup de rapports et autres "études", qui visent à désinformer le public. Et cela peut être réalisé en collaboration avec des ONG comme Water Integrity Network, émanation de Transparency International, elle-même censée... lutter contre la corruption. 

 

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On constate que la corruption est intrisèque au business de l'eau, de l'Argentine à Grenoble. On constate que l'intérêt général est sacrifié pour des profits personnels de responsables politiques locaux et d'actionnaires de multinationales.

On constate que la privatisation engendre une hausse des prix, une réduction du service et de l'accès à l'eau.  Pourquoi la commission veut-elle absolument continuer dans cette voie sans issue?  Y aurait-il encore des dessous de table? En outre, il est temps de penser à un contrôle démocratique de la gestion de l'eau: sa rareté, en Europe comme ailleurs, fait qu'il faut assurer une répartition juste en fonction des besoins: agriculture, industrie, particuliers, gestion des cours d'eau et de la biodiversité...

Il faut être vraiment abruti pour penser que le privé gèrerait tout cela en "bon père de famille", comme on le dit.

 

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